Eddie's Workshop
Les rendez-vous du Vendredi à la chapelle Welsh sur Southwark Bridge pour l’atelier d’Eddie Prévost sont devenu une tradition tellement ancrée dans la vie de l’improvisateur qui se trouve à Londres, que l’on se demande parfois si la musique improvisée libre ne s’institutionnalise pas par moment. Inutile de trop s’attarder sur cette polémique un peu stérile et passons plutôt en revue une journée typique de ce regroupement intimiste qui rassemble depuis plus de sept ans des musiciens venue du monde entier.
La phrase typique d’Eddie quand un nouveau musicien se pointe est la suivante : « Le but de cet atelier est d’étendre les limites de ton instrument ». A part ça, Eddie se fait entendre rarement. Résultat, beaucoup de musique et peu de parlotte, ce qui est déjà un bon point relativement aux ateliers où j’ai eu la chance de prendre part.
Déjà, Eddie n’a vraiment pas besoin de parler parce que l’atelier possède une certaine structure instaurée bien avant ma première visite. Le rituel de l’atelier est tel :
1- Une fois tous les musiciens installé Eddie désigne un musicien qui se met à jouer en duo avec le musicien à sa droite, jusqu’au moment où ce musicien arrête de jouer et laisse la place au musicien qui se trouve à la droite de l’autre. Et ainsi de suite jusqu’au moment ou la musique a fait le tour du cercle y compris le musicien désigné en premier qui joue son second duo avec le musicien à sa gauche.
2- Après ça, Eddie enchaîne en désignant des trios de son choix. C’est trios sont purement aléatoire et représente comme le dit Eddie « toutes les possibilités auxquels je pense au moment même. Si vous pensez qu’on peut faire autre chose n’hésitez pas à me dire ». Dès qu’un trio prend fin, Eddie sélectionne trois autres personnes. Et ainsi de suite.
3- Et pour finir, des quartets sauf que là, les formations se décident par les musiciens : un quartet commence puis dès qu’un musicien décide d’arrêter de jouer il choisit son remplaçant, et ainsi de suite jusqu'à ce que la musique prend fin d’elle-même.
(Pendant les quartets)
Cet automatisme imposé par des années de pratique en groupe, paraîtrait instaurer une certaine monotonie à l’approche musical. Mais plus j’y pense et plus j’ai l’impression que l’atelier d’Eddie personnifie le mieux ce que la musique improvisée devrait être, du moins dans la démarche à suivre. Premièrement parce que la seule règle qui reste au centre du travail c’est l’écoute. Deuxièmement parce cette manière de faire évite une bonne fois pour toute de tomber dans des envies de ‘compositions’.
Donc pas d’exercice ou on se concentre sur un ou plusieurs son, ou texture, pas d’exercice ou on défini une limite dans le temps. Pas d’exercice de volume, de densité etc. Le plus important reste la total liberté laissé aux musiciens. Ce qui fait que l’atelier connaît des changements d’orientations qui partent du free jazz à une musique complètement minimaliste et texturale.
De plus, cette manière de faire instaure une attitude ou une éthique de tolérance poussée à l’extrême. J’ai remarqué qu’on a facilement tendance à instaurer des règles implicite quand on joue, à mesure que les années passent. De fait, on se retrouve avec toute une gamme de critères d’évaluation qui hiérarchisent notre conception du style de l’improvisation.
Rien de mieux que l’atelier d’Eddie pour briser cet amalgame égocentrique. Ce qui ne veut pas dire que tout est bien tant que c’est du son, mais au moins, on se retrouve entrain de briser certaine de nos rigidités acquises dans le passé grâce à une constante écoute de tellement de différence. Les règles d’or restent l’écoute, l’intention, et la détermination (à poursuivre). Ni plus ni moins. Il reste que c’est possible d’entendre Eddie commenter. Mais il faut vraiment que quelque chose d’exceptionnel ce soit passé. Justement, quelque chose qui brise surtout la règle de l’écoute (quelqu’un qui a son ampli trop haut et qui clairement n’entend pas ce que l’autre fait.
(Matt Milton et Eddie Prevost)
La seule chose à noter c’est qu’il y a peu d’électroniciens qui vienne à cet atelier. La plus forte composante est constituée d’instrument à vent dont moi inclus ! Aussi l’utilisation non conventionnel des instruments reste timide (ce qui n’est pas en soit un problème, juste une observation de style) surtout pour les vents, la seule exception notable étant Seymour Wright qui parfois passe pour un acrobate mais ceci mérite une discussion séparé sur ce musicien très intéressant.
En ce moment si on a la chance de passer par l’atelier d’Eddie, on pourrait apercevoir, Ross Lambert (guitares) qui est là depuis qu’Eddie est là, Seymour Wright (alto saxophone), Matthew Milton (violon, scie musicale, objets), Jerry Wigens (clarinette) Nicholas Christian (basse électrique), Jennyfer Allum (violon), Noel Taylor (clarinettes), Romuald Wadych (guitare électrique). Sinon il y en a beaucoup d’autres que j’ai oublié de citer et je m’en excuse, et surtout y en a qui viennent s’essayer une fois ou deux et peut être qui revienne un mois après ou qui revienne jamais.